Est-ce que le jeûne peut prévenir le cancer?Lors de mon séjour à Chiang Mai en Thaïlande, j’ai cédé à la tentation de faire une retraite méditative avec des moines (Oui je tourne un peu hippie). Ce n’est évidemment pas mon but de raconter cette retraite mais plutôt de réfléchir à une question qu’une des participante m’a posée: Est-ce que le jeûne c’est une méthode efficace pour éviter d’avoir un cancer?
Comme tu as pu l’entendre dans le premier podcast (LUXO #1), les cellules cancéreuses sont en effet des grosses consommatrices de sucre. De plus, la plupart des organismes vivent dans des environnements où la quantité des ressources est variable et ils subissent donc fréquemment des périodes de famine. Ainsi, il est probable que nous ayons été façonnés par l’évolution pour avoir des mécanismes de protection contre le cancer efficaces, voir optimals, durant ces périodes de privation. C'est pour ces raisons que les scientifiques ont commencé à étudier la privation calorique comme méthode pour prévenir le cancer ou "affamer" les tumeurs. Mais il ne faut pas confondre jeûne et restriction calorique. Cette dernière consiste en une diminution d’environ 30% des apports énergétique mais pas en une privation drastique de nourriture (Ouf je suis soulagée parce que j’ai déjà faim en écrivant ça). Dans mon épluchure de la littérature, j’ai noté, entre autre, que la diminution des apports en calories : 1) réduit de moitié la production de facteurs de croissance qui sont souvent détournés par les cellules cancéreuses et impliqués dans leur croissance non contrôlée; 2) active des mécanismes antioxydants naturels dans les cellules permettant de diminuer les dommages causés à l’ADN qui peuvent parfois être le déclencheur du cancer. En accord avec ces mécanismes, un nombre respectable d’études ont établit que la restriction calorique entraîne une diminution de la progression et de l’apparition des tumeurs (jusqu’à 75%!) chez les animaux de laboratoire. Si la privation calorique est aussi efficace pour prévenir le cancer pourquoi ne pas l’utiliser chez des patients souffrant déjà d’un cancer? Malheureusement, ce n’est pas aussi simple (c’était prévisible). Même une restriction calorique modérée cause une perte de poids qui n’est pas souhaitable dans la majorité des traitements. De plus, de longues périodes de restriction diminuent la cicatrisation ce qui entraîne des risques chez les patients subissant une chirurgie... On lui a donc préféré des périodes de jeûne de courte durée. Là encore les résultats ont été encourageant en laboratoire. Cette technique a permis de protéger les cellules normales des effets toxiques de la chimiothérapie sans pour autant diminuer son efficacité. Une chimiothérapie couplée à un jeûne augmenterait également l’efficacité du système immunitaire à détruire les cellules cancéreuses. Le jeûne de courte durée a donc été testé chez des patients (souffrant du cancer du sein par exemple) comme une aide complémentaire lors des traitements. Lors de ces essais, les patients ont rapporté une amélioration des effets secondaires de la chimiothérapie comme la nausée ou la fatigue … Malgré tant de découvertes prometteuses en laboratoires, on est obligé de constater que la restriction calorique est paradoxalement très peu employée dans les essais cliniques. Pourquoi donc? Pour au moins trois raisons : 1) La restriction calorique retarde mais n’empêche malheureusement pas le cancer d'apparaître. 2) Récemment, il a démontré que seulement certains cancers étaient sensibles à ces méthodes, ruinant les espoirs d’une méthode universelle. 3) A ce jour, trop peu d’études ont été menées sur l’homme et encore moins sur un nombre de patients assez élevé pour pouvoir confirmer l’effet de la restriction calorique. C’est pour toutes ces raison que l’INCa (l’institut national du cancer) a ainsi mis en garde contre des conclusions trop hâtives. L’American Society of Cancer conseille d’ailleurs encore au patient sous chimiothérapie d’augmenter leurs apports énergétiques et protéiques. Bien sûr je n’ai fait qu’effleurer le sujet. Mais avec une machine à remonter dans le temps, je pourrais maintenant répondre à la question de cette suédoise en route pour une retraite méditative. Ces recherches dans la presse (le son de cloche n’est pas le même lorsque l’on écoute les journaux grand public ou la littérature scientifique) m’ont également rappelée qu’il faut savoir, en science peut être même plus qu’ailleurs, gardé son sens critique. Et ce n’est pas toujours facile lorsqu’on aimerait qu’une technique aussi simple que le jeûne puisse nous protéger contre le cancer. Sources: https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC2829867/ https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/27557543 https://prolonfmd.com/wp-content/uploads/2016/06/2011.7.28.pdf https://www.biomedcentral.com/track/pdf/10.1186/s12916-017-0873-x?site=bmcmedicine.biomedcentral.com https://www.cancer.org/treatment/survivorship-during-and-after-treatment/staying-active/nutrition/nutrition-during-treatment/once-treatment-starts.html http://www.e-cancer.fr/Actualites-et-evenements/Actualites/Fiche-reperes-Jeune-regimes-restrictifs-et-cancer
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