Comportements manipulésEn écrivant le script sur le microbiote (vas donc écouter LUXO #3 si ce n’est pas déjà fait), je n’ai pas pu m’empêcher de faire le rapprochement avec les cours de licence qui m’ont poussée à me spécialiser en parasitologie. En effet, la manipulation comportementale par les parasites est loin d’être une exception dans le règne animal. Et il faut bien le dire, quand tu bosses sur les parasites c’est un des seuls trucs qui te permet de briller en soirée (Eh oui c’est plus vendeur que les maladies transmises par poux chez les SDF…#histoireveridique).
Bref, si tu rappelles de la fin du podcast, je parle rapidement du parasite responsable de la toxoplasmose et de sa capacité à modifier l’attirance de son hôte pour ses partenaires sexuelles. Mais comment y arrive-t-il? Réponse : il modifie l’odeur de l’urine des mâles. Ce doux parfum devient alors bien plus attirant pour les femelles qui sont alors manipulées sans même être infectées, si c’est pas balaise. Bon avant de générer un profond malentendu : on observe ça chez les RATS. Les rats infectés présentent aussi une forte attirance pour l’urine de chat, si forte qu’elle agit au détriment de leurs instincts de survie. Tu t’en doutes, le parasite trouve son compte dans cette tragédie racinienne. En augmentant les contacts entre mâles et femelles, le parasite peut alors se propager et envahir la population. En poussant le rat à se faire mangeouiller par le chat, il peut alors infecter son hôte définitif, c’est-à-dire celui où il peut se reproduire. Pour le parasite, la manipulation permet donc d’augmenter les chances de se transmettre et d’engendrer une descendance nombreuse. Que se passe-t-il lorsqu’il se retrouve malencontreusement dans le mauvaise hôte? Là encore la toxoplasmose est un bon exemple. Une très grande proportion de la population humaine est infectée par Toxoplasma gondii (c’est son petit nom). Chez l’homme, l’infection se traduirait par une augmentation des comportements suicidaires... Néanmoins l’homme est une impasse, un cul de sac car normalement les chats ne se nourrissent pas de la chair des personnes suicidées (désolée pour ce moment gore) et le parasite est voué à mourir seul et vieux garçon. Cette possible modification du comportement chez l’homme a été extrêmement critiquée car elle est difficile à démontrer. Ce qui m’amène au problème majeure que l’on rencontre quand on étudie la manipulation parasitaire : s’agit-il ou non d’un caractère adaptatif? Suite à une infection, le comportement peut se trouver modifier des suites de symptômes qui reflètent davantage le boulot de notre système immunitaire que celui du parasite. L’hôte peut également changer de comportement pour éliminer l’infection ou éviter qu’elle ne cause trop de dommage. Par exemple, il a été montré que les bourdons cherchent des températures plus froides pour lutter contre un champignon. C’est ce qu’on appelle de l’automédication comportementale (j’en dis pas plus j’ai prévu tout un podcast là dessus c’est passionnant… enfin je trouve). Du coup, je vais te donner quelques cas de manipulation comportementale avérés et il faut le dire plutôt marrants ! Lors de mon été 2013, j’ai barboté dans l’étang de Thau à la recherche de petites crevettes qu’on appelle des gammares. Si vous avez l’occasion d’y aller, je vous suggère de tapoter la surface de l’eau. Vous verrez alors des centaines de gammares tournoyer tels des derviches tourneurs, alors qu’en temps normal ils affectionnent les profondeurs. On sait aujourd’hui que ce comportement est le résultat de l’infection par un parasite qui induit une augmentation de la sérotonine (tu sais c’est l’hormone du bonheur). Ces gammares fous (c’est vraiment comme ça qu’on les appelle) sont alors bien plus visibles. Les prédateurs, des mouettes et autres goélands, ne se font pas prier pour se servir permettant ainsi au parasite d’atteindre son hôte définitif et de se reproduire. La descendance du parasite se retrouvera ensuite dans le fiente de mouette et sera relarguée dans l’étang de Thau. Ils infectera alors de nouveaux gammares et la boucle sera … bouclée. Pourquoi, l’évolution a sélectionné des modes de vie aussi compliqués? C’est une bonne question mais on en reparlera (je dis ça parce qu’en vrai j’en sais foutrement rien) ! Bon un dernier exemple pour la route. Quand j’étais petite, je comptais les points sur les ailes des coccinelles pour savoir leur âge (ah les idées des adultes…). J’étais alors loin de me douter que certaines d’entre elles sont des zombies. En effet, les coccinelles sont parasitées par une guêpe parasitoïde qui ne fait rien d’autre que de littéralement pondre dans leur abdomen… Au moment de la ponte, elle injecte également un virus qui prend alors le contrôle du comportement de la coccinelle (ça vous rappelle pas un certain film de Brad Pitt ?). Le virus induit stupeur (paralysie) et tremblements chez la coccinelle qui joue alors les gardes du corps pour les bébés guêpes jusqu’à ce qu’ils soient assez grands pour partir du nid. Elle ira même parfois jusqu’à donner sa vie pour eux étant donné qu’elle évite alors moins facilement ses prédateurs. Ils existent bien d’autres modifications induites par les parasites, qu’elles soient physiologiques ou morphologiques, et dont je n’ai pas parlé ici. Les parasites touchent la quasi totalité des organismes pluricellulaires et les exemples de manipulation sont nombreux. Chez l’homme on en a identifié très peu car nos comportements sont plus complexes et souvent influencés par la société. Néanmoins imaginer un univers sans ces organismes fascinant serait, pour le coup, de la bonne science fiction. Sources: https://www.theatlantic.com/magazine/archive/2012/03/how-your-cat-is-making-you-crazy/308873/ https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/25673681 Host Manipulation by Parasites publié par David P. Hughes, Jacques Brodeur, Frédéric Thomas
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