“De tout façon, je ne suis pas assez passionnée pour la recherche...”Une fois n’est pas coutûme, le billet d’humeur de ce mois-ci n’a pas de rapport avec le sujet du podcast (que ça ne t’empêche pas d’aller l’écouter quand même, hein). Qui dit nouveau travail, dit nouvelles responsabilités et nouvelles craintes. “Est-ce que je suis pas trop bête pour pouvoir bosser dans ce super labo?” ou “Et mince je vais passer pour une abrutie de française avec tous ces mecs super forts…” Depuis plusieurs années, j’ai pu constater que ces craintes sont présentes chez la plupart de mes amis et en particulier ceux travaillant dans la recherche. On a souvent l’impression d’être là par chance et non parce que nous avons réellement des capacités.
Comme dans beaucoup de domaines, mettre un nom sur les sentiments peut aider. Dans le cas présent, il est fort probable que le problème ne vienne pas du système éducatif français ou des processus de sélections qui s’opèrent au cours du parcours scolaire. Je suis persuadée que mes amis thésards et post-docs sont des personnes très compétentes. En réalité, il se pourrait que ce soit leur perception de leurs capacités qui soit biaisée. C’est ce que l’on appelle le syndrome de l’imposteur. Même s’il parait anodin, j’ai pu observer les dégâts qu’il a provoqué autour de moi : perte de sommeil, stress chronique, hypersensibilité, et surmenage. C’est pourquoi j’ai eu envie d’en apprendre davantage sur le pourquoi du comment du syndrome de l’imposteur. Le terme a été introduit en 1978 et du point de vue de la psychologie il convient mieux de le qualifier de “phénomène”. En effet, ce phénomène n’est pas un diagnostic officiel et n’est pas consigné dans le manuel des troubles mentaux. Pour autant, les psychologues et les écologues du comportement s’accordent à dire qu’il existe bel et bien. Ce phénomène a d’abord été étudié chez les femmes à forte responsabilité mais il est évident qu’il est beaucoup plus universel que cela. Aujourd’hui, on estime que jusqu’à 70% de la population serait touchée. Si tu es saisi par la curiosité, tu peux savoir si tu es plus ou moins touché.e avec ce petit test : paulineroseclance.com/pdf/IPscoringtest.pdf (désolée c’est en anglais).D'après les scientifiques, une personne qui attribue son succés à la chance plutôt qu’à ses capacités intellectuelles expérimente un phénomène de l’imposteur. Les “imposteurs” auront tendant à nier les preuves qui contredisent leur conviction d’être… plus bêtes que la moyenne. Une autre caractéristique de ce phénomène est que ces personnes sont hantées par la peur que leur imposture soit découverte. Bien qu’il ne soit pas nécessairement un problème d’estime de soi, le phénomène de l’imposteur est certainement à relier au perfectionnisme. Le phénomène de l’imposteur a particulièrement été étudié dans les populations ayant fait des études supérieures et il semblerait bien qu’il y provoque des dégâts. Notamment, il a été observé que les étudiants expérimentant ce sentiment sont susceptibles de paniquer et d’arrêter l’école en dépit de leurs facilités. D’après les recherches menées sur le sujet, les domaines des sciences, technologies, mathématiques et les métiers créatifs seraient particulièrement touchés. Même s’il est clair que ce n’est pas uniquement un problème de genre, les femmes et les minorités seraient aussi davantage sensibles au phénomène. Plus spécifiquement, une étude a montré que les Américains d’origine asiatique seraient plus susceptibles d'expérimenter le phénomène que ceux d’origine africaine ou latino. Du coup d’où vient ce syndrome? Certains font remonter son origine à l’éducation parentale. Les parents attachent sans le vouloir des étiquettes à certains de leurs enfants (Être un parent impartial est un défi). Par exemple : “celui-ci c’est le sportif de la famille” ou “celui-là va faire de longues études”. Ces étiquettes collent à notre peau et le phénomène de l’imposteur peut venir de la peur de décevoir ces attentes. Un autre cas est la survalorisation. Un enfant ayant reçu trop de messages de supériorité de la part de ces parents, du genre “t’es le plus fort mon chéri” ou “tu es la 4ème merveille du monde”, s'autorise difficilement à échouer. Il existe bien évidemment des pressions sociales qui placent la réussite professionnelle de plus en plus haut dans notre conquête du bonheur, mais celles-ci ne feraient que renforcer un problème déjà existant. Lors de mes recherches, j’ai lu nombre de témoignages de chercheurs essayant de lutter contre leur syndrome. La plupart d’entre eux s’était lancée à la poursuite de 10 étapes pour venir à bout de leurs doutes (tu peux les retrouver ici : https://impostorsyndrome.com/10-steps-overcome-impostor/) . Mais grosso modo, la meilleure façon d’améliorer ce sentiment est encore d’en parler à notre entourage ou plus simplement d’en être conscient. Avec le recul, on se rendra certainement compte que nous méritons notre place et que avons toutes les raisons de fêter nos petits succès. Je voulais aussi finir sur une touche d’espoir. Certains auteurs suggèrent que les personnes faisant l’expérience de ce phénomène sont probablement sur la bonne voie, du moins en ce qui concerne la réussite professionnelle. En effet, il est normal de se sentir dans une situation d’inconfort lorsque l’on change de boulot, qu’on prend de l’avancement ou quand on arrive dans une nouvelle équipe. Mais cela veut aussi dire que l’on progresse toujours plus haut. En ce qui me concerne, j’essaye d’être redevable vis-à-vis de cette insécurité. En effet, il est probable que ce soit cette incapacité à se satisfaire qui m’ait permis d’arriver à faire ce dont j’avais vraiment envie. Cela dit, j’ai encore du travail à faire pour n’en garder que le positif. Sources: Definition : https://blog.oxforddictionaries.com/2017/04/24/what-is-impostor-syndrome/ Temoignage: https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC5869760/ Psychometric scale : https://www.sciencedirect.com/ science/article/pii/S0191886907004278 Minorité : https://onlinelibrary.wiley.com/doi/abs/10.1002/j.2161-1912.2013.00029.x? Autres sources: https://www.sciencetheearth.com/uploads/2/4/6/5/24658156/2011_sakulku_the_impostor_phenomenon.pd http://www.apa.org/gradpsych/2013/11/fraud.aspx
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